dimanche 16 janvier 2011

La fille du bus.

Reveil forcé, douche et petit déjeuner expediés, départ à la hate et course pour ne pas rater le bus de 7h47.

Avec ses bruits, ses odeurs et ses retards, le bus aurait tout pour être le pire moment de ta journée, et pourtant c'est celui qui l'illumine, simplement car elle est là.

Elle, intemporelle, presque iréelle. Toujours assise à la même place, elle fait partie du décors, mieux, elle fait le décors.
Tu finis par te trouver ridicule. Jeune indomptable, avec des sentiments qui passent généralement plus par ton corps que par ton coeur. Et la voila, arrivant de nulle part pour kidnapper tes pensées, réduire ton armure en pièces.

Le plus malsain est certainement qu'elle ne fait rien pour que cela arrive, à vrai dire elle ne te connait pas, ne te parle pas, et son regard n'appartient qu'à son livre, qu'elle ne délaisse que très rarement pour se perdre derrière la vitre.
Les bruits du bus ne l'atteignent pas non plus, elle leur préfère la mélodie de ses écouteurs, tu te dis que si il y avait une prise d'otage dans ce bus, les ravisseurs auraient certainement le temps de négocier, prendre leur rançon, et s'en aller, sans qu'elle s'en rende compte.

L'aborder, tu y a pensé, mais à quoi bon. Tu n'as jamais fait ça, tu n'saurais même pas quoi dire. Puis si jamais ton manque d'expérience en drague lourde de rue ne suffisait pas à te retenir, tu n'aurais qu'à repenser au nombres d'admirateurs un peu moins secrets que toi, qu'elle a refroidi avec toute l'élégance du monde.

Tu essayes de l'oublier, de ne pas lui prêter attention, et tu te rends compte que c'est dur d'ignorer un éclair qui te frappe en plein oeil et éblouit ta vision.
Alors tu penses à d'autres manières de la mettre au courant de ton existence. Tu tentes de retenir le titre de son livre, dans l'espoir de revenir le lendemain avec un exemplaire, l'agiter sous son nez, et sortir du décors. Mais c'est peine perdue, les livres ne font pas long feu, et défilent presque aussi vite que les prétendants. Du coup, après avoir acheté Le journal de bridget Jones, L'amour dure trois ans et Le diable s'habille en Prada, tu t'es dit qu'il fallait peut être essayer autre chose.
Tu t'es bien engaillardi à lui écrire des lettres, sans aucune déclaration d'amour bien sûr, ni belles paroles, simplement sincères, parfois drôles et amicales, parfois profondes et pleines d'amertume, que tu prévoyais de lui glisser dans la main, lorsqu'elle descendrait, Jardin du Luxembourg.
Mais chaque fois, ton bras demeurait paralysé, la laissait passer sans même un geste, et ne récuperait ses fonctions que pour froisser le papier avec rage.

Le plus étrange est que cette romance ne dure que le temps d'un trajet, le reste de la journée tu n'y pense pas ou peu. D'ailleurs, tu n'en a jamais parlé à personne.
Avec tes amis tu restes celui qui brise des coeurs et ne s'attache pas. Ce n'est ni la honte ni la peur qui t'empechent de confier cette passion que tu t'es créé, non, seul la jalousie t'en empeche.
Ces 25 minutes d'évasion, cette petite excuse pour ne pas rejoindre la réalité tout de suite, et continuer à rêver encore un peu, tu ne veux les partager avec personne, elles t'appartiennent.

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