jeudi 3 mars 2011

J'ai un jumeau maléfique.



Gainsbourg a son Gainsbard, Renaud son Renard, à mon tour de vous parler de  celui avec qui  je partage ma vie.


On est des faux jumeaux, mais qui auraient été montés à l'envers. Les faux jumeaux ne se ressemblent pas tant que ça, mais pensent pareil. Mon jumeau et moi avons exactement la même gueule, mais la façon de vivre de l'un dégoute l'autre.
Notre coexistence a creusé une frontière dans mon entourage, et pendant que la moitié me prie de le faire disparaitre, l'autre l'idolâtre et me conjure de le laisser tranquille.

Je suis sobre comme une religieuse, et la simple odeur de la fumée me donne envie de me couper l'œsophage. Mon jumeau boit du scotch comme si c'était de la grenadine et déjeune à la Vodka. Les seuls moments ou il ne fume pas, ce sont les moments ou il tend la main vers son paquet pour attraper une nouvelle cigarette.
Il ne dort jamais, sauf si c'est dans un caniveau, et ne mange que du baba au rhum et du coq au vin.
Il déambule dans les rues en titubant, et ce qu'il préfère c'est être ivre en plein jour.

L'amour est certainement la chose à laquelle je crois le plus, je n'ai jamais trompé une femme et je ne trouve de repos que dans les bras de l'une d'elles. Lui, ne se rappelle jamais des prénoms des filles avec lesquelles il couche, et se rappelle encore moins avec couché avec. L'odeur des fleurs lui donne envie de vomir, et il se dit que quitte à vomir, autant que ce soit à cause de quelque chose qu'il aime, du coup il ne va jamais à un rendez-vous sans une bouteille de whisky. Il n'articule jamais une phrase tendre, et préfère les filles en couple car il n'aura pas besoin de leur envoyer de messages avant qu'elles s'endorment. Alors que je trouve mon ultime plaisir dans la satisfaction d'une femme à qui j'ai fait l'amour, lui a pour péché mignon de faire pleurer celles qu'il finit de baiser.


J'écris des poésies, il écrit des insultes. Les textes trop romantiques l'ennuient, il se fout de penser, de reflechir ou d'être attendrit, et préfère se bourrer la gueule pour raconter la dernière fois qu'il était bourré. Il se fout de la misère du monde et passe les articles trop longs sur la famine pour s'emerveiller sur ceux qui parlent de la progression du SIDA.
Il n'aime pas beaucoup les gens, à part ceux qui veulent bien lui payer à boire. Il a des fréquentations infréquentables , le genre de personnes qui, comme lui, ne font rien d'autre que rien.
J'essaye de le raisonner, mais il préfère détruire que créer, à commencer par lui même. Il se fiche de s'accrocher, il est né talentueux et échangerait bien ce talent contre une passe dans un bordel. La réussite l'insuporte, il fonce dans le mur en se marrant.
Les rêves qui  remplissent sa tête s'écrasent  sous le poids de toutes ces choses qu'il fait pour les empecher de se réaliser. Il crève les bouées qu'on lui lance et broie les mains qu'on lui tend.

Un jumeau a ce quelquechose qui finit par étouffer. On partage nos amis, nos vêtements, et on se dispute à propos du programme sur la même télé que l'on partage sur le même Fauteuil.
Moi , c'est jusqu'à mon corps que je partage avec lui, et je commence tout juste à le trouver emmerdant.